La méthode classique de l'aménagement, issue de la division
et de la spécialisation des taches, prévoit d'abord, une étude de faisabilité,
éventuellement plusieurs scenarii puis, logiquement, la mise en oeuvre de
l'étude d'impact. Ensuite on procède à la détermination du mode juridique de
l'aménagement puis de l'opérateur et ensuite à la recherche de l'équipe de maitrise
d'oeuvre urbaine. Le projet se monte alors et permet de déterminer correctement
le bilan prévisionnel. A ce moment là, avec une offre foncière définie et un
prix, se déclenche la pré-commercialisation, c'est à dire la recherche
d'opérateurs immobiliers (promoteurs et organismes d'HLM).
En temps passé, on peut estimer que le processus dure de 2 à
4 ans, si tout va bien, avant de savoir si le projet est “bien reçu” par
les opérateurs. Avec la volatilité des besoins des ménages, la très importante
variabilité des marchés, ces délais sont, hors zone tendue, un risque majeur
de “taper à coté” de la cible, c'est à dire, au mieux, de reprendre
radicalement le projet et la probabilité de trahir les priorités d'origine.
Ce processus est désormais archaïque car il ralentit la mise
en service du projet, la mutation urbaine, en renchérit le cout en additionnant
les marges de manoeuvre et accroit les risques en plaçant en “fin de boucle” le
verdict du marché.
Les métropoles à forte demande peuvent encore utiliser la
marche classique du projet car le risque est couvert par la tension du marché
et les surcouts répercutés sur l'acheteur final : le ménage. Cependant, la
production en est fatalement normalisée, par prudence et en raison de la
multiplicité des acteurs qui, faute de coproduction, ne peuvent que partager le
plus petit dénominateur commun.
Pour réagir et retrouver un processus plus sain et plus
pragmatique, soit on tord les bases (le prix du foncier, de la matière grise ou
du portage) ou les exigences (le choc de, soi disantes, simplifications), soit
on inverse l'ordre au moins partiellement. La proposition, expérimentée encore
récemment sur un territoire très détendu consiste à traiter les investisseurs
immobiliers non comme un consommateur devant s'adapter à un “produit
foncier” préparé mais comme un acteur dont l'adhésion préalable provoque une
coproduction.
Ainsi, on étudiera d'abord les capacités du, ou des lieux,
ce travail débouchera sur une illustration des potentiels, scénarisé
assez basiquement autour d'hypothèses programmatiques, de quantitatifs et de
chiffrages grossiers pour un pré-bilan. Ces travaux, assez rustiques,
permettent à la collectivité, non de décider mais de hiérarchiser des objectifs
en l'état des possibilités alors ouvertes.
Avant tout choix de procédure, avant toute opération de
communication et toute décision, il est fait appel d'intérêt. Cet appel touche
les habitants de la commune, des villes voisines, des opérateurs et des
entreprises locaux. En ateliers ouverts ou en entretiens séparés, la
démarche est présentée telle qu'elle est effectuée : exploratoire. Les
potentiels et les premières conditions de réussites sont établies autour de
quelques hypothèses, laissant la possibilité d'en construire d'autres et de
formuler des pistes complémentaires.
Chacun, particulier comme entreprise, opérateur ou
investisseur est appelé, sous un délai raisonnable à prendre contact
individuellement avec “l'assembleur” (aménageur ou maitres d'oeuvre urbain)
pour expliciter son intérêt sur une hypothèse et/ou faire des contre
propositions. L'entretien doit déboucher sur une synthèse mentionnant
conditions de faisabilité et nature de l'apport.
De cette façon, la production est sécurisée, la composition
urbaine assurée, la définition des produits coproduite, la définition des
règles fiabilisée. Enfin le temps préalable à la dépense travaux mis en oeuvre
pour sécuriser l'opération voire commercialiser non seulement en "état
futur d'achèvement" mais aussi pratiquer une sorte d'aménagement participatif.
Le rôle des collectivités en est profondément modifié, de
concédant ou d'opérateur en régie, elle deviennent arbitres et animatrices de
leur propre développement urbain. Le rôle des aménageurs en est également
enrichi de la fonction d'animateur "vertical"du processus.